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Après son passage en 3D réussi avec les Sonic Adventure fin des années 90, la saga Sonic s’est enfermée depuis dans de sempiternelles suites dont la 3D ne servait plus qu’à habiller de longs couloirs de jeu de moins en moins intéressants. En dehors de revival 2D ou de changements de design, jamais rien n’avait osé être entrepris par les équipes de chez SEGA pour véritablement emmener la saga autre part. Les mauvais épisodes se succédaient, enterrant la patience des fans du hérisson bleu, résolus à ce que plus rien ne passe pour leur héros et leur saga préférés. En choisissant le mode ouvert, Sonic Frontiers sort enfin la licence de son entêtement, pour notre plus grand plaisir.
Test publié sur Puissance-Nintendo
Sonic sans frontières
Pour mettre les choses au clair tout de suite, Sonic Frontiers n’est pas un open world où tout se passe en une seule carte gigantesque comme Zelda Breath of the Wild ou encore The Witcher 3.
Le jeu propose plusieurs mondes bac à sable, généralement de très grande envergure. Ils le sont assez pour que l’on ait en permanence ce sentiment d’immensité et d’euphorie. Ils sont remplis de reliefs et de choses à faire, si bien que l’on peut se sentir très souvent perdu.
Contrairement à ce que le titre indique, il y a bien des frontières dans ce Sonic : ce sera soit la mer, soit des falaises, soit, exceptionnellement, des limites invisibles rappelées par une voix mystérieuse. Rien qui ne soit choquant puisque même Breath of the Wild nous indiquait par un petit message les bordures du monde explorable.
Une carte peut nous aider à nous repérer, mais pour la dévoiler progressivement il faut résoudre des petites énigmes ça et là. En soit, c’est motivant, tant les énigmes sont amusantes, mais la révélation de la carte est si avare que l’on regrette presque qu’il ne suffise pas de marcher dans une zone pour en dévoiler les dessous. Ne plus savoir où se situent certains points clés par lesquels on est déjà passé parce que l’énigme du coin n’a pas été trouvée ou résolue peut s’avérer frustrant. On parcourt ainsi beaucoup les lieux, parfois pour rien, mais heureusement jamais avec déplaisir. Des ordres de missions et des halos lumineux sont là pour nous aider à nous repérer.
Car Sonic peut enfin courir à toute vitesse dans des environnements géants et ouverts, ce qui est particulièrement agréable en soit. La super vitesse est même débloquée un peu plus tard, ce qui renforce ce plaisir d’exploration à vitesse grand V. Quel bonheur de pouvoir juste tracer sa route pour rejoindre un objectif au loin quand c’est nécessaire.
Les zones sont pleines de relief et Sonic s’adapte assez bien en gravissant les collines, remontant même les montagnes ou des ennemis géants quand c’est possible. Il y a bien sûr de nombreuses chutes dans le vide mais le jeu nous remet toujours à l’endroit le plus proche pour ne pas nous faire perdre de temps.
Le jeu propose également énormément de structures flottantes et de rails de glisse, le tout bondé de bumper, ce qui concourt à la richesse de la proposition ludique faite par le jeu.
Nous pourrions résumer cette première approche par "aucune frontière pour le plaisir de jeu" tant c’est ce qui ressort de l’expérience une fois manette en main. La Sonic Team propose des environnements de jeu de grande envergure, remplis d’objectifs, certains obligés pour progresser, d’autres juste pour le plaisir d’explorer. Et ce, sans parler des affrontements avec les ennemis de toutes tailles, de toute sorte et des boss de fin de zone épiques.
C’est le chaos
Un point sur l’histoire, qui vient rythmer l’exploration de manière régulière et légère. Elle puise sa source dans l’essence même de toute la saga, et s’avère particulièrement gratifiante pour les fans.
Eggman a activé malgré lui un portail vers le cyberespace, une zone chaotique dans laquelle il se retrouve coincé. C’est également le cas des amis de Sonic, condamnés à vivre dans le réel sous forme de fantômes dématérialisés. Sonic se charge de rétablir leur consistance et la stabilité des zones gardées par des titans à l’origine de la corruption.
Pour cela, vous devez récolter des jetons "souvenirs" pour débloquer une petite scène avec un ami de Sonic et faire progresser l’histoire. Sonic fait la connaissance des Kocos, sortes de Korogus, dont l’origine et le sort ne manquera pas de vous interpeler. Les titans ne peuvent être battus que par les Chaos Emeralds, dispersées à chaque fois sur les îles. On est par ailleurs bien content de retrouver les acolytes de Sonic, surtout quand leurs souvenirs sont évoqués avec autant de générosité. Enfin, nous faisons la connaissance de Sage, une jeune fille dont les intentions sont bien énigmatiques.
Sonic part donc en quête des émeraudes et doit pour cela activer différents portails successifs. Des "mécanismes de portail" se ramassent ainsi sur les ennemis. Ils ouvrent les portails qui abritent des niveaux Sonic 2D/3D classiques dont les missions permettent d’obtenir des clés. Ces dernières que l’on trouve également dans les environnements, ouvrent les stèles qui renferment les émeraudes. Une fois les sept réunies, Sonic peut partir affronter le titan, boss de fin de monde. Voilà le programme !
Sonic Collect
En dehors de la découverte des environnements et de s’amuser de ce qu’il proposent, l’objectif de Sonic Frontiers est donc de collecter différents items en masse.
D’un côté il y a les items qui font avancer l’histoire, et de l’autre ceux permettent d’améliorer la condition de Sonic. Il y a tant de choses que l’on a vite fait de se sentir dépassé et excité par la multitude choses à récupérer. C’est comme lancer un chiot dans une piscine de ballons !
Il y a bien sûr les mythiques anneaux qui servent de protection à Sonic lorsqu’il se fait toucher, mais aussi à activer la super vitesse quand la capacité est au maximum.
Puis viennent les points d’expérience que l’on ramasse sur les ennemis vaincus. Ils servent à débloquer dans un menu dédié des compétences d’attaques qui améliorent grandement les capacités offensives et de déplacement de Sonic, notamment au moyen de combos toujours plus pratiques et puissants pendant les combats au corps à corps.
Il y a ensuite les fruits, de deux types : offensifs et défensifs. Ils sont à apporter à un ermite qui va les transformer en points d’attaque et de défense, ce qui a pour effet d’améliorer progressivement la puissance de Sonic. Revenir dans le premier monde avec l’expérience acquise et détruire en deux temps trois mouvements un ennemi qui nous avait donné du fil à retordre est particulièrement jouissif.
La capacité de stockage d’anneaux et la vitesse de Sonic peuvent également être améliorées en ramassant des Kocos et en les présentant à un deuxième ermite. Les Kocos sont souvent posés à même le sol un peu partout dans la nature et ruines abandonnées. Contrairement aux Korogus de Zelda, il n’y a pas besoin de résoudre une énigme pour les faire apparaitre.
Des pièces violettes enfin servent à faire des parties de pêche, accessibles dans chaque monde par un sanctuaire dédié. La pêche s’avère être un mini-jeu simple et agréable et l’on s’étonne à y passer plus de temps que nécessaire. Une fois la ligne lancée, il suffit de presser une touche pour ferrer le poisson, puis de nouveau, une à trois fois dans le bon timing d’une cible qui s’élargit.
Les jetons de pêche gagnés peuvent être échangés contre des anneaux, des points d’expérience, des Kocos, des fruits, des mémos d’Eggman (pour en savoir plus sur l’histoire du professeur), ou, encore plus intéressant pour la progression, contre des jetons, des clés ou des mécanismes de portail. Un moyen simple et rapide d’obtenir ceux dont vous auriez besoin pour la quête principale.
Des boss et des jeux, même combat !
La pêche est un mini-jeu récurrent, mais d’autres viennent nous surprendre tout au long de l’aventure. Impossible de tous les citer tant ils sont variés et nombreux, mais je vais essayer d’évoquer la joie qu’ils procurent.
Chaque zone de la carte contient des énigmes à même l’exploration : petits jeux de puzzle, de ballon, de mécanismes à activer en temps limité... La diversité et le renouvellement au fur et à mesure du jeu est tout simplement incroyable et mérite d’être largement rappelé, au même titre que le gameplay qui ne cesse de s’améliorer et de citer tout au long du jeu des mécanismes de jeux Sonic que l’on croyait oubliés.
Si certains jeux sont subsidiaires et ne servent qu’à obtenir des items ou dévoiler des secrets, d’autres jeux sont impératifs pour faire avancer l’histoire. C’est ainsi que l’on rencontre dans le premier monde un jeu où il faut orienter des rayons pour... à vrai dire on ne sait pas vraiment, car l’indice donné ne nous aide pas vraiment. Après un retour à tête reposée, on se laisse guider par une forme et une logique qu’un Zelda ne renierait pas, et la solution apparait. Je cite cet exemple pour vous dire que tout n’est pas parfait dans Sonic Frontiers, mais que le sentiment global est vraiment très positif.
D’autres jeux, à base de Kocos à gérer sont aussi légers qu’amusants. Plus tard, c’est carrément à un shoot’em up de très bonne facture auquel on a droit (et qui trouve sa raison scénaristique) ! Je ne vais pas tout citer, c’est juste impossible. Sonic Frontiers est à ce titre d’une générosité incroyable.
Généreux et qui tente des choses ambitieuses, à l’image des combats contre les ennemis, différents et très marqués les uns par rapports aux autres. Et surtout les boss, dont chaque titan de fin de monde est un morceau de bravoure à part entière chaque fois renouvelé.
Ces séquences mêlant plateformes en plusieurs étapes puis QTE final sont absolument dantesques et rendent autant hommage à des jeux comme Shadow of the Colossus, qu’à la série Neon Genesis Evangelion qu’à la saga Sonic elle-même. Point d’orgue du monde en cours, ces affrontements, tout aussi impressionnants soient-ils, restent avant tout une séquence de jeu fun à jouer.
Le Sonic d’avant
On en oublierait presque de parler plus en avant des niveaux 2D/3D classiques, au nombre de sept itérations par monde, qui peuvent aider à obtenir des clés pour débloquer les émeraudes. Proposant sans aucun ordre logique des parcours issus de - seulement - quatre univers : Green Hill, Chemical Plant, Sky Sanctuary et Speed Highway. Les niveaux se parcourent très rapidement et sont quasiment des reprises de ceux développés dans de précédents épisodes.
L’avantage est que l’on a pas le temps de s’y ennuyer. Moins de deux minutes suffisent pour terminer le parcours et y glaner des clés en réussissant les missions récurrentes liées au temps, et nombre d’anneaux et de médailles rouges récoltés.
En l’état ces niveaux vont directement à l’essentiel et c’est sans doute ce qui fait leur intérêt. Ils sont également une coupure dans l’ambiance plus réaliste qu’offre la Nature au sein des différentes îles. On ressent aussi le besoin de la Sonic Team de les inclure, n’étant pas encore prêt à se passer de cet héritage. Peut-être pour le prochain épisode ?
Le jeu terminé, ces niveaux peuvent être parcouru à loisir dans un mode arcade dédié.
Une sensation de progression et de respect de la licence
Quand j’ai parcouru le premier monde, je ne voyais que les défauts du jeu. Les graphismes avec leur affichage vraiment limite, l’absence de musique, la caméra qui partait en vrille, l’impression de ne pas contrôler Sonic comme on le souhaite alors qu’il tombe dans un ravin, un semi-boss impossible à battre, les énigmes hermétiques, les références largement appuyées à Breath of the Wild, le design trop sage et le doublage français un poil irritant de Sonic...
Et puis est arrivé le deuxième niveau. Et là tout à changé. Comme si une autre équipe s’était chargée de cette partie. Devant la bonne volonté évidente, on ne peut qu’apprécier : par exemple cet affrontement avec un ennemi qui vous propulse haut dans les airs lançant ainsi une séquence de descente en chute libre dans la plus pure tradition des anciens Sonic.
La variété et une certaine maîtrise des environnements prend le dessus. Sonic gagne en puissance. Le level-design change une nouvelle fois au troisième monde, avec une expérience plus portée 2D bien intégrée au monde ouvert. Le jeu ne cesse de surprendre et ravir.
J’ai passé le doublage en japonais, moins agressif. Et on sourit finalement de ces Kocos avec leur tintements de carillon, de cette nuit d’étoiles filantes qui comme une Lune de sang régénère tous les ennemis abattus en plus de nous permettre de gagner des jetons de pêche dans une séquence inspirée des casinos chers à la saga.
Sonic a bien fait de singer certains aspects de Breath of the Wild, parce qu’il ne s’est pas contenté de bêtement copier, il a cherché à puiser dans ce qui est Sonic pour pouvoir se retrouver, sous une autre forme pas si éloignée de ce qu’il a été en substance il y a vingt ans.
Je me suis vraiment beaucoup amusé avec Sonic Frontiers. Sa générosité et son respect de la licence l’a emporté sur les considérations techniques. Car oui, Sonic Frontiers aurait clairement pu être peaufiné pour le rendre plus stable. Mais peut-être aurait-il perdu un peu de la joie et de la folie qu’il réussi à nous transmettre. Peu importe les ventes, ce renouveau véritable de la saga ne peut qu’inciter SEGA à entreprendre une deuxième itération de ces nouvelles frontières. En attendant, on y retourne pour le 100% !